1937 - 1967
ALBERTINE SARRAZIN : UN DESTIN FULGURANT
Etrange destinée que celle d'Albertine Sarrazin ...
Née en 1937 à Alger d'une jeune espagnole de 15 ans, elle est abandonnée à l'Assistance Publique où
elle reçoit deux prénoms : Albertine Damien. Elle est recueillie en 1939 par un vieux couple et deviendra
Anne Marie R.
Enfant brillante et indisciplinée, elle commence dès 1949 à écrire, dans de nombreux cahiers à spirale,
des "aventures". Violée par un oncle vers l'âge de 10 ans, elle se tait et sa révolte prend un caractère de plus en
plus agressif. Son comportement lui vaut l'internat et des visites chez un psychiatre qui recommande
fortement un éloignement familial, tout en la jugeant parfaitement normale.
Elle fait sa première fugue à 15 ans.
Ses parents adoptifs la font enfermer dans une maison de correction à Marseille où elle est à nouveau
rebaptisée : Anick. Elle s'en évade et se réfugie à Paris, en auto-stop, où elle retrouve une camarade de
l'établissement. Elle a 16 ans, se prostitue occasionnellement et se lance dans les cambriolages. Après un
hold-up raté, elle est arrêtée et condamnée, à 17 ans, à une peine de 7 ans de prison. Incarcérée à la prison de
Fresnes, puis à Doullens, elle apprend la décision de ses parents de révoquer l'adoption plénière, chose
rarissime en France.
Elle s'évade en 1957 en sautant un mur de 10 mètres, se brisant l'astragale, un petit os
du talon. Un automobiliste la recueille, c'est Julien Sarrazin, lui aussi en cavale. Il la soigne, la cache,
l'aime.
Ils sont repris après quelques mois et se marient en prison. Albertine écrit L'Astragale, un petit roman d'amour pour Julien, en quatre mois,
puis La Cavale où elle raconte son évasion, mais aussi Bibiche, ses
journaux de poésies qui seront publiés de manière posthume. Libérée en 1963, elle s'installe à Alès pour se rapprocher
de Julien qui purge une peine à la prison de Nîmes. Elle est à nouveau condamnée à 4 mois de prison pour le vol d'une
bouteille de whisky.
En 1964, enfin l'un et l'autre libérés, ils s'installent dans une vieille maison aux Matelles : "la Tanière".
Elle envoie le manuscrit de "La Cavale", via JP Castelnau, aux éditions Jean-Jacques Pauvert qui décident de
publier simultanément "La Cavale" et "L'Astragale" en Octobre 1965. Le succès est immense (elle est traduite
dans 16 pays) car il ne s'agit pas seulement d'une expérience de vie mais surtout de l'invention d'une langue
neuve, où argot et anglicismes nourrissent une plume libérée de tout joug. Elle reçoit le Prix des Quatre-Jurys
en 1966 et publie un troisième livre autobiographique : La Traversière.
Avec ses premiers droits d'auteur, elle achète un vieux mas : "l'Oratoire". Julien le restaure pendant
qu'elle fait la promotion de ses livres.
Sa santé, rudement mise à l'épreuve par la vie carcérale, l'oblige à rentrer à l'hôpital pour l'ablation d'un
rein, le 10 Juillet 1967. L'anesthésiste ne verra sa malade qu'au tout dernier moment : il ne sait rien de son
état général et lui prescrit alors une dose trop forte d'anesthésique. Elle ne se réveillera pas ...
Elle n'avait que 29 ans.